Mésinformation
La place de l’information dans la société
Avec la montée en puissance des canaux numériques, accessibles en continu et à grande échelle, nos sociétés font face à un déferlement constant d’informations. Cette exposition massive à une multitude de médias — réseaux sociaux, vidéos, podcasts, blogs, presse traditionnelle — agit comme une arme à double tranchant : source inestimable de savoir, elle devient aussi un outil de manipulation redoutable . Guidée par des algorithmes calibrés pour capter l’attention, cette surabondance pousse à consommer en boucle des contenus courts, séduisants, faciles à digérer — mais souvent vidés de complexité. Lorsqu’il s’agit de sujets sensibles ou à fort enjeu, ce mécanisme devient dangereux : il affaiblit notre vigilance, endort notre esprit critique. Et c’est par ces mêmes biais — notamment via la diffusion massive de fausses informations — que certains secteurs, voire des sociétés entières, peuvent être ébranlés.
Le partage de fausses informations est classé en 3 typologies différentes :
Mésinformation
Information fausse partagée par une personne persuadée qu’elle est vraie.
Désinformation
Information fausse partagée en connaissance de cause dans un but malveillant.
Malinformation
Information détournée, tronquée ou arrangée fondée sur une réalité mais partagée dans le but de nuire.
Lexique de la mésinformation
Créer une fake news pour les (gros) nuls
Vous trouvez que la vérité est trop ennuyeuse ? Vous pensez qu’un bon mensonge bien ficelé vaut mieux qu’un fait vérifié ? Félicitations, vous êtes peut-être prêt à rejoindre la grande famille de ceux qui inondent le web de fake news ! Pas besoin de talent, juste d’un peu de cynisme et d’une bonne connexion Internet. Voici donc un guide (ironique, évidemment) pour apprendre à intoxiquer l’opinion publique comme un pro.
Chercher le buzz
Le but d’une fake news est d’être massivement partagée afin qu’elle touche un maximum de personnes. Elle doit provoquer un engagement, une réaction émotionnelle forte : indignation, peur, espoir, colère… peu importe. Le but, c’est la viralité. Comme le disent les anglo-saxons, “A bad buzz is still a buzz” : « Une mauvaise publicité, c’est quand même une publicité ». Plus une fake news est répétée — même dans des versions légèrement différentes — plus elle finit par sembler crédible. Le simple fait de l’entendre souvent rend une information plus « vraie » à nos yeux.
Si elle soulève le débat, c’est encore mieux. Cela permet de multiplier les canaux de diffusion : indignés, sceptiques ou convaincus deviennent alors les ambassadeurs d’un même mensonge. On parle alors de mésinformation ; lorsqu’une personne relaye une fausse information sans savoir qu’elle est fausse. En revanche, si l’objectif est clairement de manipuler l’opinion — pour des raisons politiques, idéologiques ou financières — on entre dans le champ de la désinformation. Celle-ci peut être amplifiée artificiellement par des bots; (faux comptes automatisés) qui assurent sa diffusion constante. Et oui : l’indignation se partage très bien, même quand elle est complètement bidon.
Une fake news efficace : mélangez vérités partielles et gros raccourcis
La première règle d’or d’une bonne fake news, c’est qu’elle doit être crédible. Et quoi de plus crédible qu’un petit bout de vérité ? Utilisez des données authentiques mais sorties de leur contexte, tronquées ou détournées.
Un grand classique : la photo manipulée. Prenez une image qui illustre votre idée. Supprimez sa légende, détachez-la de son contexte original, postez-la au bon moment… et le tour est joué. Par exemple, une photo de foule immense pourra être utilisée pour gonfler la portée d’une manifestation, même si elle date d’un autre événement ou même d’un autre pays.
Ajoutez à cela un bon cherry picking : sélectionnez uniquement les données ou extraits qui servent votre propos en ignorant volontairement tout le reste. Cela donne une illusion de rigueur, alors que la démonstration est complètement biaisée. Bonus : plus c’est technique, moins on vous contredira. Rien de tel qu’un graphique tronqué, un chiffre déconnecté de sa méthodologie, ou un « selon une étude » non sourcé pour bluffer l’auditoire.
❌ Petit point faible de cette technique : une simple recherche inversée d’image permet parfois de démasquer la supercherie. Mais rassurez-vous, peu de gens prennent le temps de le faire.
Le biais d’autorité : votre meilleur complice
N’oubliez pas d’invoquer le biais d’autorité : attribuez votre fake news à une personnalité influente ou un « expert » auto-proclamé. Plus le titre est pompeux, plus l’effet est garanti. Vous pouvez même inventer une citation, l’associer à une photo de quelqu’un en costume, et la faire circuler comme parole d’Évangile.
Les plateaux télés regorgent de ces « toutologues » — des intervenants omniprésents, s’exprimant sur tous les sujets avec un aplomb confondant. Ils manient le jargon pseudo-scientifique comme personne et citent des « études » sans jamais donner leurs sources. Parfois, une blouse blanche, un graphique flou ou un jargon savamment obscur suffisent à donner une illusion de vérité.
Les outils modernes de la post-vérité
Les technologies récentes sont vos alliées. Les IA génératives permettent de créer en quelques secondes une image ou un texte de toutes pièces. Certains indices, comme des anomalies dans les mains ou les yeux des sujets, permettent parfois de les repérer… mais cela demande un regard aguerri. Et franchement, qui zoome sur des doigts ?
Plus spectaculaire encore : les deepfakes (ou hypertrucages). En manipulant à la fois l’image et le son, ces outils permettent de faire dire n’importe quoi à n’importe qui dans une vidéo apparemment authentique. On les retrouve dans des opérations de manipulation politique, de déstabilisation, ou même d’extorsion. De quoi donner des sueurs froides à tous les journalistes du monde.
Petit rappel utile
Créer ou partager délibérément une fake news peut avoir de véritables conséquences. En France, cela peut même être puni par la loi si le média en question a une audience significative (plus de 5 millions de visiteurs uniques par mois) ou si la campagne est sponsorisée au-delà de 100 € HT.
Fait contre Opinion
👉 Pourquoi il est important de savoir les dissocier ?
Parce que beaucoup de fausses informations mélangent les deux. Elles enrobent une opinion dans un langage pseudo-scientifique ou balancent un “fait” sans contexte pour faire passer un message émotionnel. Apprendre à distinguer les deux, c’est renforcer son esprit critique pour ne pas se faire manipuler !
Un fait
Un fait, c’est une information vérifiable. Elle est basée sur une observation, une mesure, une preuve. Elle peut être confirmée ou infirmée par des données objectives. Par exemple : “La Terre tourne autour du Soleil.” “Le vaccin contre la rougeole a été introduit en 1963.” Ces phrases peuvent être vérifiées par une source fiable. Peu importe ce que l’on pense, un fait reste vrai… ou faux, mais toujours démontrable.
Une opinion
Une opinion, en revanche, c’est un jugement personnel. Elle exprime un ressenti, une croyance, une préférence. Elle n’a pas besoin d’être prouvée, seulement partagée (ou pas). Par exemple : “Le vaccin, je trouve ça inquiétant.” “Je pense qu’on en fait trop avec l’écologie.” Ces affirmations parlent de ce que quelqu’un pense — pas de ce qui est objectivement vrai ou faux.
Les Fake news : Coupables, mode opératoire et mobile
Pas besoin d’être Sherlock Holmes pour décrypter une fake news. Tel un roman policier mal écrit, on connaît déjà le coupable dès les premières lignes. En revanche, la victime, elle, est toujours la même : nos sociétés humaines.
“Il est là le réchauffement climatique, -3 °C dans les Yvelines aujourd’hui.”
Une fausse ironie, une interprétation biaisée (volontaire ou non) des données météo : le crime est signé du climatoscepticisme ou plus largement de ceux qui remettent en cause la science ou la médecine.
Le mode opératoire : Toujours les mêmes outils : un soi-disant expert, souvent prix Nobel d’une discipline sans lien avec le sujet, ou une étude scientifique authentique, mais sortie de son contexte. C’est le “cherry picking” : on sélectionne un extrait d’article, une citation ou une donnée précise qui semble appuyer une théorie douteuse, sans tenir compte du reste du document ou du consensus scientifique. Un exemple ? Prétendre que la planète se refroidit en s’appuyant sur une anomalie locale de température, oubliant volontairement les tendances mondiales. Le résultat ? Une information biaisée, présentée comme générale, alors qu’elle ne repose que sur un cas particulier, soigneusement choisi pour tromper.
Le mobile : La notoriété. Ces figures du doute gagnent une audience en simplifiant un discours complexe, souvent à contre-courant du ressenti populaire. Une communauté naît, légitime leurs propos et leur donne un pouvoir d’influence. Qu’il s’agisse de pseudosciences, de traitements miracles ou de formations bidon, les préjudices vont bien au-delà du portefeuille : la santé publique en pâtit. Exemple ? La rougeole de retour en 2024 chez une dizaine d’enfants aveyronnais, dont les parents étaient convaincus par le discours antivax.
“Faites vos propres recherches.”
Ce profil, vous l’avez reconnu : le complotiste. Il est le niveau évolué du climatosceptique. Pros des réseaux sociaux, ils propagent de fausses informations via des contenus douteux, des photos montages ou des sources invérifiables.
Le mode opératoire : Ils utilisent des narrations simplistes, apparemment logiques, pour expliquer des phénomènes complexes. Ces récits font appel à des figures de style classiques du complotisme : l’ennemi invisible, le plan caché, les “preuves” ignorées par les médias. Ils exploitent la méfiance envers les autorités, les émotions fortes, et utilisent des effets de manche pour masquer l’absence de preuves concrètes. Cela rassure, donne l’illusion de savoir et flatte un sentiment de supériorité sur les autres : “moi je sais ce que les autres ignorent.”
Le mobile : Influence, idéologie, profit. Mais il faut distinguer les créateurs de fake news de ceux qui y croient et les diffusent. Ces derniers finissent souvent isolés, coupés de leurs proches, voire exclus de la société. L’engrenage peut être rapide : une vidéo vue sur une plateforme, un algorithme qui propose des contenus similaires, et l’utilisateur s’enfonce dans une réalité parallèle où tout se tient… sauf la vérité.
“Top 10 des histoires exceptionnellement incroyables. La huitième va vous surprendre.”
Qui ne s’est jamais fait piéger par ce titre ? Promesse d’insolite, de révélation… et pourtant, le vrai crime se cache dans l’assassinat de votre esprit critique.
Le coupable : Les médias attrape-clics. Leur but ? Susciter l’émotion pour faire du trafic. L’information passe au second plan.
Le mode opératoire : Des titres racoleurs, des chiffres sans contexte, des phrases coupées, des anecdotes douteuses. Le but ? Créer de l’engagement. L’émotion (colère, peur, rires) est leur outil principal. Et chaque clic, chaque vue, rapporte. Ce n’est plus l’intérêt informatif qui guide, mais la performance algorithmique. La vérité devient secondaire, l’audience devient une fin en soi.
Le mobile : L’argent. C’est tout. Peu importe la véracité : si ça fait cliquer, ça vaut la peine. Certaines fake news sont même créées pour booster le trafic. Quand l’économie de l’attention règne, la manipulation devient rentable.
“Ils nous cachent la vérité”
Place au polar contestataire. Une vidéo floue, une rumeur qui enfle, et soudain, tout le monde doute. Cette fois, le faussaire porte un gilet jaune, un brassard patriote ou un badge syndical.
Le coupable : L’activiste politique surchauffé. Il ne fait pas dans la demi-mesure : les élites mentent, les médias manipulent, et lui seul détient LA vérité. Qu’importe que les faits soient tordus ou inventés, le message est clair : le peuple est trahi.
Le mode opératoire : Posts Facebook viraux, vidéos en direct où l’indignation tient lieu d’argument, citations hors contexte, images détournées. Tout ce qui peut semer le doute ou raviver la colère est bon à prendre. C’est l’émotion brute qui prime, pas la vérification.
Le mobile : Mobiliser, fédérer, exister. Ces figures cherchent à rassembler autour de leur cause, quitte à mentir ou manipuler. Le récit doit frapper fort pour galvaniser les foules. Même s’il faut tordre un peu (ou beaucoup) la réalité.
“On peut plus rien dire de toute façon”
Ils ont l’air de plaisanter, mais le mal est fait. Le troll, c’est ce commentaire qui déraille, cette discussion qui s’envenime, ce débat qui vire au ridicule.
Le coupable : L’anonyme aux mille visages. Parfois ado blagueur, parfois stratège coordonné. Seul ou en meute, il agit pour le chaos.
Le mode opératoire : Provocation, détournement, flood. Il balance une rumeur, un gif moqueur, et laisse les autres se déchirer. Les débats sérieux deviennent illisibles. Les gens s’en vont. Mission accomplie. Le troll ne cherche pas à convaincre, mais à déstabiliser. Il parasite l’espace public en rendant impossible tout échange constructif.
Le mobile : Attention, idéologie, sabotage. Le troll amateur veut réagir, le troll militant veut nuire, le troll professionnel veut diviser. Et dans un monde où l’on doute de tout, ils prospèrent.
Sérum de vérité : Au checker, pas à la cuillère
Dans le vaste univers de l’information, les fact-checkers sont les agents secrets du vrai. Tel un James Bond du numérique, leur mission — bien qu’un peu moins glamour — consiste à infiltrer les discours douteux, à décrypter les messages piégés et à désamorcer les bombes virales de la désinformation.
Leur arsenal ? Des sources fiables, des données solides et une rigueur méthodologique à toute épreuve. Pas de gadgets signés Q, mais des bases de données, des recherches croisées et une traque méthodique du mensonge. Qu’ils opèrent depuis des plateformes spécialisées ou en couverture dans des médias plus classiques, ces espions du réel offrent au grand public des repères cruciaux pour ne pas se faire berner par les fake news et les manipulations.
Dans une guerre de l’information où les algorithmes jouent parfois le rôle de complices involontaires, les fact-checkers sont les derniers remparts entre la vérité et la fiction — les 007 de la transparence.
